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Comprendre la pédogenèse permet de comprendre la fragilité du sol dont nous sommes dépendants.
Le sol est bien plus qu’un simple support pour la plante. Il constitue un milieu vivant, essentiel à la vie sur Terre. Il permet notamment la croissance des végétaux, régule le cycle de l’eau et abrite une incroyable biodiversité. Mais d’où vient le sol ? Comment se forme-t-il ? C’est ce qu’on appelle la pédogenèse, le processus de formation des sols.
Le sol : c’est quoi ?
La question peut paraître idiote car nous pensons tout savoir sur cette terre que nous foulons ou que nous jardinons dès le printemps arrivé. Pour autant, mieux comprendre ce qu’est ce sol et la pédogénèse permet de mieux appréhender les problèmes liés à l’action humaine.
Ce sol est une couche superficielle de la croûte terrestre, composée de minéraux, de matière organique, d’eau, d’air et de micro-organismes.
Il joue un rôle essentiel dans les écosystèmes en soutenant la croissance des plantes en leur fournissant des nutriments. Il stocke et filtre l’eau, en participant aux cycles du carbone et des nutriments, en offrant un habitat pour de nombreux organismes (bactéries, champignons, vers de terre).
La matière organique
La matière organique désigne des substances contenant du carbone et issues d’organismes vivants (plantes, animaux, micro-organismes) ou de leur décomposition (feuilles mortes, bois, restes animaux, excréments, micro-organismes, compost, déchets organiques, effluents agricoles). Elle est présente dans les sols, les eaux, l’atmosphère et joue un rôle essentiel dans les cycles biologiques et géochimiques.
Elle est constituée principalement de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote. La matière organique peut aussi contenir du soufre, du phosphore et remplit plusieurs rôles.
Les sols remplissent plusieurs rôles écologiques :
- Fertilité des sols : elle améliore la structure du sol, favorise la rétention d’eau et fournit des nutriments aux plantes.
- Cycle du carbone : elle stocke le carbone et participe à la régulation du climat.
- Source d’énergie : décomposée par les micro-organismes, elle libère des nutriments essentiels.
La transformation de la matière organique se fait de plusieurs manières :
- Décomposition : sous l’action des bactéries et champignons qui transforment la matière organique en humus et en nutriments.
- Minéralisation : conversion en éléments simples (CO₂, NH₄⁺, NO₃⁻, PO₄³⁻) assimilables par les plantes.
- Humification : formation de l’humus, une matière organique stable qui enrichit le sol.
Les minéraux du sol
Ce sont les composants inorganiques essentiels à la fertilité et à la structure des sols. Ils proviennent de l’altération des roches mères et influencent la disponibilité des nutriments pour les plantes.
On peut distinguer les minéraux primaires (hérités de la roche mère) qui sont peu altérés et constituent la base de la texture du sol :
- Quartz (SiO₂) : Très résistant, il ne fournit pas de nutriments mais influence la perméabilité.
- Feldspaths : Riches en potassium, sodium et calcium, ils se transforment en argiles.
- Micas (biotite, muscovite) : Source de potassium et de magnésium.
Il y aussi les minéraux secondaires (issus de la transformation des minéraux primaires) qui jouent un rôle clé dans la rétention des nutriments :
- Argiles : Stockent l’eau et les éléments nutritifs (K⁺, Ca²⁺, Mg²⁺).
- Oxydes de fer et d’aluminium : Influencent la couleur du sol et sa capacité d’échange cationique.
Ces minéraux jouent un rôle primordiale dans la fertilité du sol :
- Réserve de nutriments : Libèrent des éléments essentiels aux plantes (N, P, K, Ca, Mg, Fe, etc.).
- Rétention d’eau : Les argiles et oxydes régulent l’humidité du sol.
- Structure du sol : Influencent la porosité et la stabilité des agrégats.
L’eau circule dans le sol, transporte ces minéraux et cette matière organique, le vivant du sol participe aussi à son aération et au maintien de son équilibre. Un équilibre crucial pour les cultures réalisées par les humains …
La pédogenèse
La pédogenèse est le processus lent et progressif qui transforme la roche mère en un sol fertile. Ce processus prend des milliers, voire des millions d’années. Tout commence avec une roche dure (la roche mère) qui est exposée aux éléments. Sous l’effet de plusieurs forces naturelles, cette roche se fragmente et se transforme avec une altération :
- Physique : le vent, l’eau, le gel et la chaleur fissurent la roche et la réduisent en petits morceaux.
- Chimique : l’eau de pluie, parfois acide, dissout certains minéraux de la roche.
- Biologique : les racines des plantes et les micro-organismes libèrent des substances qui accélèrent la décomposition de la roche.
Lorsque les plantes et organismes (bactéries, champignons, vers de terre) colonisent cette surface, leurs débris (feuilles mortes, racines, excréments) s’accumulent et se décomposent. Ce processus produit de l’humus, une matière riche en nutriments qui fertilise le sol.
Avec le temps, le sol s’organise en couches superposées, appelées horizons. On part de la roche mère la plus profonde pour aller vers la couche superficielle avec des feuilles et débris en décomposition. Entre les deux, on trouve des couches riches en humus, fertiles et foncées, un sol plus profond où s’accumulent certains minéraux et des fragments de roche en cours d’altération.
Le sol: un élément vital
En tant qu’être humain, nous nous émerveillons facilement devant un animal qui allaite son petit. Nous pouvons rester béa devant le soleil qui se couche ou la mer qui se retire… Le sol nous laisse bien trop souvent indifférents et nous apparaît comme une matière inerte. On peut donc le souiller sans conséquence. Pourtant, le sol est un véritable trésor pour la vie sur Terre !
Quitte à rappeler des évidences, un sol de qualité permet l’agriculture en fournissant un support et des nutriments aux plantes. La régulation de l’eau en absorbant et filtrant les eaux de pluie (et ainsi éviter les inondations dans les espaces occupés par les humains) est aussi assurée par le sol. Il est un milieu de vie pour une biodiversité essentielle et trop souvent invisible à l’humain (bactéries, champignons, insectes). Enfin, il assure le stockage du carbone, contribuant ainsi à lutter contre le changement climatique.
Protéger le sol
Comme nous venons de le voir, les sols jouent un rôle fondamental dans l’équilibre des écosystèmes. Ils fournissent un support aux plantes, régulent le cycle de l’eau et abritent une biodiversité essentielle. Malheureusement, ces sols sont aujourd’hui menacés, compromettant leur fertilité et leur capacité à se régénérer. C’est une réelle menace pour l’alimentation des Hommes au niveau mondial.
Des menaces
- La déforestation : l’abattage massif des arbres prive le sol de sa couverture végétale, réduisant ainsi l’apport en matière organique et empêchant la formation d’humus, indispensable à la fertilité du sol.
- L’érosion : le vent et l’eau entraînent la dégradation des sols nus, emportant les particules fertiles et rendant les terres moins productives. Ce phénomène est aggravé par l’agriculture intensive et l’absence de couvert végétal. La hausse des températures constatée depuis quelques décennies réduit aussi ce couvert végétal et accentue la dégradation du sol.
- La pollution : l’usage excessif de pesticides et de produits chimiques, notamment dans l’agriculture, appauvrit la qualité des sols, détruit les micro-organismes bénéfiques et contamine les nappes phréatiques.
- L’urbanisation : le bétonnage des surfaces naturelles réduit les espaces « naturels » et empêche le sol de se régénérer.
Ces dégradations, pour la plupart d’origine anthropique, limitent aussi le rôle des sols dans le stockage du carbone et dans la régulation des eaux de pluie. En plus de produire des gaz à effet de serre avec nos voitures et avions, nous abîmons les sols qui permettraient de lutter contre les effets du changement climatique. Par exemple, le Nord de la France est régulièrement victime d’inondations : l’affaiblissement de la capacité des sols à réguler les eaux de pluie est une grande part de l’explication de l’augmentation de ces phénomènes climatiques qui impactent fortement les populations.
Des solutions
Face à ces menaces, nous savons parfaitement ce qu’il faut faire ou arrêter pour préserver la santé des sols et garantir leur durabilité. Malgré des lois comme la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 qui a établi l’objectif d’atteindre la « zéro artificialisation nette des sols » d’ici 2050. le travail de restauration reste immense.
Ce travail doit commencer par un reboisement et une végétalisation afin de permettre aux végétaux de stabiliser le sol, de limiter l’érosion et de favoriser la formation d’humus. Il est nécessaire d’adopter des pratiques agricoles durables avec une rotation des cultures, l’agriculture biologique, le paillage et l’agroforesterie qui permettront de maintenir la fertilité des sols. La réduction de l’usage des produits chimiques, le recyclage des matières organiques, et la limitation de l’artificialisation des terres sont aussi des objectifs à atteindre le plus rapidement possible.
Le sol est donc une ressource précieuse, mais souvent mal connue d’un point de vue scientifique. Il met des milliers d’années à se former, pourtant nous l’avons dégradé, voire détruit, en seulement quelques décennies. Comprendre la pédogenèse permet de mieux saisir l’importance de préserver nos sols pour garantir la vie sur Terre. L’éducation, notamment celle des enfants, doit être une priorité. Sans une véritable compréhension du sol et de son rôle essentiel pour le vivant – dont nous faisons partie – aucun changement ne sera possible. Notre regard sur ce monde vivant méconnu doit évoluer afin d’adopter de nouvelles pratiques et de repenser notre vision du monde ainsi que de l’agriculture.