S’il y a bien une certitude dans ce monde instable, c’est que l’inaction écologique est liée au fait que l’humanité se refuse à repenser le sens de son existence.
Sinon, comment comprendre que nous n’agissions pas immédiatement pour essayer de minimiser les impacts des catastrophes écologiques qui nous sont annoncées depuis plusieurs décennies? On sait que l’inaction coûtera bien plus cher que d’investir maintenant. Pourtant, on « hésite » encore.
Un mur d’investissement nécessaire
Cette semaine, alors que je me rendais au travail, j’écoutais France Info et l’invitée éco d’Isabelle Raymond. Ce jour-là était invitée Dorothée Rouzet de la direction générale du Trésor. En tant que cheffe économiste du Trésor, elle a rappelé que l’inaction en matière d’environnement pourrait coûter 15 % du PIB mondial d’ici 2050. À l’inverse, agir maintenant représenterait seulement 0,5 à 1 point de PIB en 2030.
Certains disent que l’État n’a pas les moyens d’investir autant. Pourtant, on sait que chaque euro investi aujourd’hui évitera des milliards de pertes demain. De toute manière, l’économie mondiale ne pourra pas supporter les conséquences d’un réchauffement incontrôlé. Alors, pourquoi retarder l’inévitable ?
On évoque la baisse des recettes publiques à cause de cette « transition« . Mais ces pertes restent minimes comparées aux destructions provoquées par les dérèglements climatiques. Les inondations, sécheresses et incendies coûtent déjà des milliards chaque année.
On sait, disait-elle, que la transition nécessitera 110 milliards d’euros d’investissements par an d’ici 2030. Mais ces dépenses restent bien inférieures aux coûts qu’engendreraient les catastrophes climatiques (et écologiques d’une manière plus générale) et la perte de productivité économique. Madame Rouzet déplorait évidemment qu’on continue tout de même à reporter les décisions, au lieu d’agir dès maintenant. Pourquoi hésiter quand le choix semble si évident ?
Au-delà des considérations économiques mises en avant dans l’émission, la réflexion qui me taraude m’est revenue en pleine face ! Tant que nous ne déciderons pas de changer notre vision du monde et de nos vies, rien de ce que déplore Dorothée Rouzet ne changera.
Le sens du monde
Même si cette interview était pertinente d’un point de vue économique, il me semble qu’on se trompe de débat. Le discours consistait à dire qu’il fallait agir. Ok, c’est une évidence. Il va falloir investir : c’est plus que certain. Mais en parallèle nous constatons que nous n’y arrivons pas malgré les promesses de catastrophes annoncées.
Ce n’est donc pas seulement une affaire d’investissements et de choix financiers. Nous pouvons sortir des centaines de milliards d’euros pour contrer le dérèglement climatique que nous n’aurons pas résolu grand chose. La dégradation de la biodiversité continuera, les pollutions multiples continueront à tuer et à abimer la nature, les français continueront à consommer en excès des tonnes de médicaments etc …
Avant d’avoir ce débat sur ce qu’il faut payer et qui doit payer, nous devons nous poser la question « pour quoi voulons-nous et devons-nous payer ?« . Qu’est ce qui est réellement important ? Que devons-nous conserver dans nos vies, tout simplement car cela nous rend heureux et en bonne santé tout en sauvegardant notre environnement. Que doit-on collectivement oublier et rejeter car ce sont les causes de nos malheurs. Nous n’avons pas d’autre choix : nous devons impérativement repenser la place de l’Homme sur la planète Terre.
Nous devons, en quelque sorte, réinventer le sens du monde et redonner à nos vies une autre direction. Un sens qui intègre pleinement le fait que la « nature » n’existe pas comme une entité séparée de l’Homme. Qu’il n’y a pas l’Homme, l’économie, la consommation etc … et « les autres ». Qu’il n’y a pas de frontière entre la société humaine et le reste du vivant.
Les faits sont clairs : investir aujourd’hui coûte moins cher que subir les conséquences demain. L’inaction est un gouffre financier bien plus profond que les efforts nécessaires pour la « transition« . Attendre revient à condamner notre économie à des pertes colossales. Pourquoi ne rien changer alors que le bon choix semble évident ? Tout simplement parce que nous sommes dans l’incapacité de réaliser collectivement et même individuellement cette mutation sans, au préalable, changer le sens que nous voulons donner au monde …