Sommaire
Le rapport du Réseau Action Climat intitulé « Comment réduire le trafic aérien de manière juste et efficace ? » évalue neuf mesures pour diminuer les émissions du secteur aérien.
Il met en lumière les caractéristiques des usagers de l’avion en France et les inégalités associées à l’utilisation de ce mode de transport.
Les objectifs principaux
Ce rapport vise à analyser et proposer des solutions pour diminuer l’empreinte carbone du secteur aérien tout en assurant une transition équitable.
Le trafic aérien connaît une reprise rapide et devrait dépasser les niveaux pré-COVID en 2024. Ce secteur représente une part croissante des émissions de CO₂, avec 7 % des émissions françaises en 2019. Or, les solutions technologiques de décarbonation, comme l’avion à hydrogène ou les carburants alternatifs, ne seront ni disponibles à court terme ni suffisantes à long terme pour respecter l’Accord de Paris.
Face à cette réalité, la seule solution viable est de réduire le trafic aérien. Cela soulève des questions cruciales : quels vols supprimer en priorité ? Qui doit fournir le plus d’efforts ? Quelles mesures sont les plus efficaces pour le climat ?
On peut résumer les idées principales ainsi:
Réduire les émissions
Le secteur aérien contribue fortement au réchauffement climatique, et sa croissance actuelle est incompatible avec les engagements climatiques de la France et de l’Union européenne.
Des mesures concrètes et chiffrées
Le rapport évalue neuf mesures de sobriété aérienne selon leur impact sur les émissions de CO₂, les recettes fiscales et la répartition de l’effort.
Assurer une transition juste
Certaines catégories de la population (voyageurs fréquents, aviation privée) sont responsables de la majorité des émissions du secteur. Les mesures proposées ciblent ces usages tout en protégeant les usagers occasionnels et les populations moins favorisées.
Encourager des alternatives durables
Le rapport souligne l’importance d’investir dans des solutions de transport plus écologiques, comme le train, et de mettre fin aux privilèges fiscaux du secteur aérien.
En résumé, ce document plaide pour une régulation du trafic aérien afin de limiter son impact environnemental tout en garantissant une répartition équitable des efforts.
Des inégalités qui s’accentuent
Malgré l’essor des compagnies low cost et les multiples niches fiscales, l’avion reste un mode de transport majoritairement utilisé par des personnes aisées, diplômées et urbaines, principalement pour des voyages de loisirs. Les vols de loisirs représentent ainsi 75 % des émissions du secteur, contre 13 % pour les vols professionnels et 12 % pour les vols familiaux.
Les données révèlent également une concentration des distances parcourues en avion par une minorité de la population. En 2018, une petite partie des Français concentrait l’essentiel des distances parcourues en avion, un phénomène accentué par rapport à 2008, comme le montre l’indice de Gini.
L’indice de Gini est un indicateur permettant d’évaluer le degré d’inégalité d’une variable au sein d’une population. Il varie entre 0 et 1 : une valeur de 0 correspond à une égalité parfaite, où chaque individu possède exactement la même valeur pour la variable étudiée, tandis qu’une valeur de 1 reflète une inégalité extrême, où une seule personne détient toute la ressource considérée. Plus l’indice est élevé, plus les inégalités sont marquées.
Cet indice est couramment utilisé pour mesurer les disparités en matière de revenus, de salaires ou encore de niveau de vie.
Cette concentration des usages souligne l’importance de cibler les mesures de réduction du trafic aérien vers les usagers les plus fréquents, afin de réduire les émissions de manière équitable et efficace.
Mesures proposées
Neuf mesures ont été analysées selon trois critères : impact climatique, recettes fiscales et répartition de l’effort.
- Réduction du trafic aérien : Limiter à un aller-retour par an et par personne ou plafonner le trafic pourrait réduire les émissions de 14 à 16 % par an.
- Fiscalité plus juste : Augmenter la taxe sur les billets d’avion pourrait rapporter 4 milliards d’euros annuels.
- Effort ciblé sur les plus aisés : L’interdiction des jets privés ou la suppression des programmes de fidélité (« miles ») sont des mesures socialement équitables, impactant principalement les plus riches sans affecter la majorité de la population.
Voici un résumé de l’évaluation des mesures de sobriété aérienne selon trois critères principaux :
Mesure | Réduction des émissions de CO₂ | Recettes fiscales | Répartition de l’effort |
---|---|---|---|
Relever la « taxe Chirac » sur les billets d’avion | -7,5 % | +3,7 milliards d’euros | + |
Créer une taxe « grands voyageurs » | -13,1 % | +2,5 milliards d’euros | ++ |
Supprimer les vols courts (train < 5h) | -4,7 % | -0,1 milliard d’euros | + |
Interdire tous les jets privés | -2,2 % | -0,1 milliard d’euros | +++ |
Taxer l’aviation d’affaires | Marginal | +0,1 milliard d’euros | ++ |
Plafonner le trafic à la baisse (-20%) | -13,7 % | -0,2 milliard d’euros | + |
Supprimer les niches fiscales sur les vols intérieurs | -3,1 % | +0,4 milliard d’euros | + |
Instaurer un quota d’un aller-retour par an par personne | -15,7 % | -0,3 milliard d’euros | ++ |
Mettre fin aux systèmes de miles | -2,4 % | Marginal | +++ |
Une taxe sur les billets
Les niches fiscales du secteur aérien coûtent 9 milliards d’euros par an. Augmenter la taxe sur les billets comblerait ce manque à gagner sans attendre une taxe kérosène internationale. Cette taxe est plus efficace, car elle dépend de la distance et ne peut être évitée par des correspondances à l’étranger.
L’augmentation de la fiscalité aérienne est justifiée par plusieurs facteurs :
- Le déficit public élevé (5,5 % du PIB en 2023) nécessite de nouvelles recettes.
- Les compagnies aériennes sont financièrement solides (bénéfice record pour Air France en 2023).
- La transition ferroviaire manque de financements malgré les annonces gouvernementales.
- D’autres pays européens ont déjà augmenté leur taxe sur les billets.
Les revenus générés aideraient à financer le train, une alternative écologique. Actuellement, le train coûte en moyenne 2,6 fois plus cher que l’avion, freinant son développement.
Des mesures ciblées, comme la taxation des billets, la suppression des vols courts ou l’interdiction des jets privés, permettraient de réduire les émissions tout en finançant des alternatives durables comme le train. Ces choix politiques sont indispensables pour aligner le secteur aérien avec les engagements climatiques et garantir une transition équitable.