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La proposition de loi Duplomb, examinée en ce début de moi de mai à l’Assemblée nationale, est un réel recul en ce qui concerne les principes fondamentaux de précaution sanitaire et de protection écologique et environnementale.
Elle affaiblit l’Anses, rouvre la porte à des pesticides interdits, et inscrit les méga-bassines comme un intérêt général. Une double offensive contre le vivant. Ils sont près de 1 300 scientifiques à tirer la sonnette d’alarme. Médecins, chercheurs, écologues… Tous dénoncent un texte dangereux, voté à la hâte.
L’Anses sous contrôle
Depuis 2015, l’Anses évalue les risques des produits phytopharmaceutiques. Mais l’article 2 du texte impose désormais que l’agence informe ses ministères de tutelle avant tout avis. En parallèle, un Conseil d’orientation des cultures composé majoritairement d’industriels dirigera ses priorités.
Ce dispositif dérègle les mécanismes de décision scientifique. Il fait basculer le pouvoir d’évaluation vers les filières agricoles. Le directeur de l’Anses a alors menacé de démissionner car « On remet en cause l’indépendance des agences sanitaires ».
Ce n’est pas une première attaque. En 2023 déjà, le ministre de l’Agriculture demandait de revenir sur l’interdiction du S-métolachlore, pourtant responsable de la pollution de nombreuses nappes phréatiques.
Pesticides, le retour en force
Les articles 1 et 2 déréglementent à grande vitesse. La séparation entre vente et conseil est supprimée. Les néonicotinoïdes, interdits en 2018, peuvent être réautorisés. Pourtant, ces substances sont liées à la mortalité massive des abeilles.
Le rapport de l’Inserm (2021) est formel : les pesticides augmentent le risque de cancers, de Parkinson, de troubles cognitifs et de maladies respiratoires. Chez l’enfant, des leucémies et troubles du développement sont observés.
En 2023, un quart des Français a bu au moins une fois de l’eau non conforme sur le plan des pesticides. Une étude récente a révélé que plus de 95 % des stations de contrôle contiennent des traces de pesticides. Et près de 20 % dépassent les normes.
Eau, zones humides, démocratie
Autre mesure décriée : les méga-bassines sont désormais considérées comme un intérêt public majeur. Cela facilite leur autorisation, même en cas d’atteinte à la biodiversité. Pourtant, moins de 10 % des terres agricoles sont irriguées. Et plus du tiers de l’eau ainsi stockée part à l’exportation, un comble!
Les zones humides, déjà réduites de 50 % depuis les années soixante, voient leur protection affaiblie. Le texte invente un nouveau statut : les zones humides fortement modifiées, où des projets pourront passer sans autorisation environnementale.
Côté démocratie, l’article 3 remplace les réunions publiques obligatoires par une simple permanence en mairie. Une régression du droit à l’information et au débat public.
Un modèle agricole à bout de souffle
Cette loi se dit au service de la souveraineté alimentaire. En réalité, elle sert une agriculture industrielle qui fragilise les sols, les écosystèmes et les producteurs. Rappelons encore une fois que la France est déjà le deuxième plus gros utilisateur de pesticides d’Europe.
Le syndicat majoritaire composé, notamment, des grands céréaliers pousse ce modèle. Mais d’autres voies existent. L’agriculture biologique, l’agroécologie, l’élevage extensif fonctionnent. Ils nourrissent les territoires, protègent la santé et respectent l’eau. Ce sont ces dispositifs qu’il est nécessaire de promouvoir plutôt que toujours relancer les mêmes solutions qui nous ont amenés dans le mur.
Le texte Duplomb (sénateur et agriculteur) organise donc un recul historique. Il place les intérêts économiques au-dessus du droit à la santé et de la sauvegarde du vivant. Il affaiblit la science indépendante, méprise les alertes sanitaires et piétine les engagements climatiques. Les scientifiques réclament des mesures fortes : traçabilité des pesticides, renforcement de l’Anses, prise en compte des études universitaires sur l’effet cocktail des produits étudié avant autorisation. Ce texte propose tout l’inverse!