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Une proposition de loi portée par le sénateur Duplomb visant officiellement à » lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a pour conséquence un recul dangereux en matière de santé notamment.
La France est une puissance agricole. Le pays demeure le deuxième plus gros consommateur de pesticides en Europe. Il se situe juste derrière l’Espagne. On parle de près de 70 000 tonnes de substances achetées chaque année. En 2025, l’État semble ignorer une évidence plus que criante : continuer comme nous l’avons fait depuis 80 ans nous amènera encore plus vite à nous fracasser contre le mur de nos excès.
Ces derniers mois, plusieurs décisions politiques traduisent une inquiétante régression écologique. Le gouvernement s’abrite derrière des chiffres partiels et des annonces d’apparence. Il retarde ou vide de leur sens des dispositifs de protection sanitaire et environnementale, comme les zones à faibles émissions ou l’interdiction des néonicotinoïdes. Une posture anachronique et dangereuse, en décalage total avec l’état des connaissances scientifiques, notamment le rapport de l’Inserm de 2021.
Des décisions politiques en totale dissonance
En avril 2025, le Conseil d’État a décidé de ne pas infliger une nouvelle astreinte financière à l’État pour inaction contre la pollution de l’air. Pourtant, Paris dépasse toujours les seuils de NO₂ et Lyon flirte avec les limites. Trois condamnations ont déjà coûté quelques dizaines de millions d’euros à la France. À quoi bon attendre encore ? Parallèlement, on aménage, on repousse l’application des ZFE du fait d’une impréparation lamentable et d’un manque criant de courage des élus. Les ZFE étaient pourtant un outil indispensable pour lutter contre cette pollution de l’air dans les grands centres urbains.
Dans le même temps, le Sénat a aussi voté cette loi « Duplomb » du nom du Sénateur qui l’a proposée. Signalons qu’il s’agit d’un agriculteur ayant appartenu au syndicat agricole majoritaire. Comme par hasard, ce texte a pour but d’affaiblir les pouvoirs de l’ANSES. Il propose de rouvrir la porte aux néonicotinoïdes, pourtant largement rejetés par les Français qui souhaitent leur interdiction. Cette régression politique trahit les citoyens et ignore l’urgence scientifique.
La Ministre déclare que c’est une fausse solution, c’est certain. Nous verrons bien ce qu’il ressortira des débats à l’Assemblée Nationale.
Au moment où nous devrions accélérer dans le changement de modèle, nos élus freinent des deux pieds, votent de lois partisanes et contraires à l’intérêt général. Après, encore une fois, on s’étonne que les citoyens fuient de plus en plus les urnes …
Pourtant, les études sont nombreuses et mettent toutes en garde contre la continuation du modèle actuel, tant sur le plan sanitaire que sur celui du maintien de la biodiversité indispensable à l’agriculture.
2021 : alerte de l’Inserm
Le rapport de l’Inserm publié en 2021 est le fruit de l’analyse de plus de 5 000 publications scientifiques. Celui-ci confirme ce que les scientifiques dénoncent depuis des années. L’exposition régulière aux pesticides, même s’ils sont autorisés, a des conséquences graves et même parfois dramatiques sur la santé humaine.
Chez les professionnels, le lien est fortement établi avec plusieurs pathologies :
- Lymphomes non hodgkiniens ou LNH qui est un cancer des lymphocytes
- Myélome multiple
- Cancer de la prostate
- Maladie de Parkinson
- Troubles cognitifs
- Bronchopneumopathies chroniques
Les enfants ne sont pas non plus épargnés, loin de là. L’exposition prénatale ou infantile à certains pesticides augmente fortement le risque de leucémies. On constate aussi des troubles neurodéveloppementaux. Et après on s’étonne du développement de troubles tels que l’autisme et l’anxiété! Le glyphosate, encore largement utilisé, présente aussi un risque moyen de LNH. Le chlordécone, interdit depuis des années, continue également de provoquer des cancers de la prostate aux Antilles.
Une exposition généralisée
Il ne s’agit pas seulement des agriculteurs. Les riverains des zones agricoles subissent aussi l’impact des pesticides. À moins de 1,5 km des zones d’épandage, les études évoquent un risque accru de Parkinson et de troubles du spectre autistique chez l’enfant.
Et dans nos foyers ? Les pyréthrinoïdes qui sont des insecticides et arachnicides, parfois également présentés comme des répulsifs contre les moustiques, les tiques et les serpents, contaminent l’air intérieur. Ce sont nos maisons qui deviennent toxiques, sans odeur, sans couleur, mais avec de graves conséquences sur notre santé.
Face à une telle accumulation de preuves, ne rien faire revient à cautionner l’irréversible. Le modèle agricole français, productiviste et toxique, arrive à bout de souffle. Il ne s’agit pas de blâmer les agriculteurs, piégés par un système qu’ils n’ont pas construit, mais bien d’exiger de l’État une transformation profonde et urgente. En tant que citoyen, nous devons nous engager et dénoncer ces renoncements:
L’histoire jugera sévèrement les renoncements actuels. En matière de santé publique et d’écologie, le principe de précaution ne doit jamais céder face aux intérêts industriels ou électoraux.
Il est temps que la science reprenne sa juste place dans la décision politique. Sinon, nous paierons plus que des astreintes : nous paierons en vies humaines. Et puis, lorsque l’intérêt économique ou particulier prend le pas sur l’intérêt collectif actuel et futur, tout devient inquiétant et suspect. Tout devient alors lointain et oppressant, poussant le citoyen à se méfier de ceux qui sont censés les défendre. Rien de pire, rien de tel pour faire vaciller la démocratie.